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Antifragile: les bienfaits du désordre de Nassim Taleb

La taille du livre aussi en impose : un pavé d’environ 650 pages parsemé de quelques graphiques et de mots à plusieurs syllabes. Enfin, l’intitulé de l’ouvrage : Antifragile (Editions Les Belles Lettres). Un concept élaboré par l’auteur, à ne pas confondre avec la robustesse. Le solide résiste aux chocs, l’antifragile les absorbe pour en sortir plus fort. Grand mérite de Nassim Taleb, il passe toutes les sciences humaines au tamis de cette notion à la façon des stress tests appliqués aux banques, mais dans une version plus élaborée.

Vous versez à nouveau dans la provocation en faisant cette fois l’apologie d’un certain chaos. Nous voulons tout maîtriser, dites-vous, alors qu’il y a une vertu au désordre…

Nous confondons le risque et le désordre. Une certaine variabilité est nécessaire : par exemple, un poumon artificiel qui fonctionnerait en permanence pourrait causer la mort du patient, mais si l’organe fonctionne alternativement à 80 % et à 120 %, la personne survit. De même, pour le corps, il vaut mieux alterner des températures de 20 puis de 28 degrés que de baigner dans un confortable 22 degrés. Trop d’ordre empêche l’adaptation, il laisse croire à une domestication du hasard et confine à un certain confort pseudo-scientifique.

« Trop d’ordre empêche l’adaptation. Il laisse croire à une domestication du hasard et confine à un certain confort pseudo-scientifique. »

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L’ordre empêche les découvertes, il entrave la respiration. Il faut faire confiance à nos corps, qui discernent les probabilités et qui évaluent les risques mieux que nos intelligences. Fluctuat nec mergitur, dit la locution latine – « Il fluctue, ou flotte, mais ne sombre pas ». Pour s’en convaincre, on peut citer l’exemple de Drachten, une ville des Pays-Bas, lieu d’une expérience invraisemblable. Tous les panneaux de signalisation ont été retirés. Cette déréglementation a conduit à une augmentation de la sécurité, parce que l’attention a été stimulée par le sentiment du danger.

Faudrait-il faire pareil en économie, supprimer les règles prudentielles?

Les investisseurs pensent maîtriser le risque avec des stress tests qui consistent à imaginer le pire scénario connu, mais cet événement correspond à une époque donnée. C’est le problème soulevé par Lucrèce. Le philosophe latin considérait comme un idiot celui qui qualifiait de « plus haute du monde » la montagne qu’il venait de voir. Les extrêmes n’apparaissent pas à l’oeil nu, ils sont même invisibles. En guise d’explication à son erreur de jugement, Alan Greenspan, le patron de la Réserve fédérale au moment de la crise des subprimes, avança ceci : « Cela n’était jamais arrivé avant. » La nature, elle, se prépare à ce scénario-là. Elle est antifragile.

Justement, qu’appelez-vous « antifragilité » ?

C’est la capacité de répondre au désordre et d’en sortir renforcé. Les os sont plus solides si une pression s’exerce dessus. L’organique exige de la variabilité, mais l’économie aussi. Sans variation, les risques s’accumulent de façon invisible et continue, et le système peut exploser. L’incendie prend très vite dans une forêt qui n’a jamais connu de petits feux maîtrisés. C’est le mécanisme de surcompensation.

Une entreprise qui aurait de la volatilité dans ses résultats se prépare mieux aux accidents. Beaucoup de professions artisanales connaissent de légères variations qui les obligent à s’adapter. Leurs contraintes recèlent des informations, et certaines peuvent en sortir fortifiées. Une entreprise ayant reçu des chocs dans son histoire résiste davantage. D’abord parce qu’elle a prouvé sa robustesse, mais aussi parce qu’elle s’est préparée au suivant. Ainsi, un patron ne doit pas lisser ses résultats pour faire plaisir aux marchés.

L’absence de variations annihile les pressions qui poussent à évoluer. Le lissage est toujours artificiel. Les financiers le comprennent mal. De toute façon, dès qu’elles entrent en Bourse, les sociétés signent leur acte de décès, c’est leur extrême-onction. Regardez la composition des indices boursiers américains d’il y a longtemps, et vous verrez la mortalité des entreprises qui paraissaient si solides.

Avez-vous l’impression que, depuis la crise, les financiers ont changé, qu’ils se sont amendés?

« La racine de la fragilité, c’est la dette. Les Européens ont compris cela, surtout les Allemands. Pas les Américains. »

Non. Il y a toujours des personnes qui gagnent de l’argent sans prendre de risques – ou plutôt qui en font prendre à d’autres, comme les banquiers -, et c’est un problème d’asymétrie morale. C’est comme un guerrier qui veut tuer sans devoir s’exposer physiquement aux coups de l’adversaire. Ici, dans cet hôtel [boulevard Saint-Germain, à Paris], a vécu André Malraux. Il a pris des risques personnels, il y avait un certain honneur. Nous avons une génération parmi les élites du « Soviet Harvard » [aristocratie universitaire et économique très formatée] qui ne s’expose plus, mais expose les autres.

Chaque crise bancaire augmente la probabilité de la suivante. Les systèmes économiques ignorent les interactions, les contagions, l’ultracomplexité des phénomènes. Songez que les économistes jouent avec 37 000 données : on n’a pas vu de prévisions plus fiables que le lancer de fléchettes sur une cible. C’est un rationalisme non rationnel.

Alors, en cette fin 2013, nous n’aurions encore rien vu de la crise ?

Nous sommes entrés dans l’ère de la grande fragilité. Les modèles en vigueur ne marchent pas, et l’on se fragilise davantage en les utilisant.

Mais, plus précisément, où sont les grandes zones de vulnérabilité ?

En économie, la racine de la fragilité, c’est la dette : les Européens ont compris cela, en particulier les Allemands. Pas les Américains. Je retrouve depuis peu le goût et la pratique des mathématiques, et je pense qu’on peut mesurer la fragilité et la solidité des pays. Aux Etats-Unis, la crise est venue de ceux qui ont prêté – en l’occurrence les banquiers – à des personnes qui n’auraient pas dû emprunter – les ménages très modestes. Ceux qui ont payé à l’arrivée sont les contribuables.

Ce système punit ceux qui n’ont pas fait les erreurs et laisse tranquilles les responsables. Mais nous persistons et voulons sauvegarder le système par un autre mécanisme : l’impression de billets, avec pour conséquence la hausse du prix des actifs financiers et immobiliers au bénéfice des banques et des superriches, propriétaires des actions. Les Etats-Unis contractent de la dette pour donner aux riches. Il faut le rappeler : à la croissance du PIB américain observée depuis quelques mois correspond une dette énorme. Les Européens, en particulier ceux du Nord, viennent de comprendre le danger de cette méthode. Pas les Etats-Unis.

« Les multinationales publient de gros profits mais s’exposent davantage. Une petite crise fragilise plus les grands. »

Pour être plus techniques, nous avons fait des études portant sur la taille des projets au Royaume-Uni. Pour des travaux supérieurs à 100 millions de livres, la probabilité de coûts cachés ou additionnels dépasse de 30 % celle des projets de 20 millions. Un imprévu coûte proportionnellement plus cher quand il survient sur un gros chantier. Les grosses tailles subissent une accélération des préjudices pour un même choc. Quant aux indices boursiers, regardez le S&P 500 en 1973.

Les sociétés encore dans la sélection sont plutôt des sociétés familiales de taille maîtrisée. Regardez aussi les institutions les plus robustes, comme l’Eglise catholique, organisée de façon très décentralisée avec le système paroissial. Le principe chrétien – transposé aux institutions européennes – de subsidiarité participe de cette robustesse : rien ne doit se faire à un niveau plus élevé qui pourrait se faire aussi bien à un échelon inférieur. Pour parler comme un manager, les Pères de l’Eglise sont les ancêtres des organisations bottom-up.

Source: http://lexpansion.lexpress.fr/economie/nassim-taleb-chaque-crise-bancaire-augmente-la-probabilite-de-la-suivante_404401.html#Ude6DVUxB0o6uxmH.99

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